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Pourquoi les Dictatures Ne Tombent Pas

Autre presse
les dictatures ne chuttent pas
Illustration : Stockphoto

Surprise des esprits rationnels que de constater qu’il est très rare qu’une dictature soit renversée par sa population. Un régime qui nous paraît odieux, parce qu’il maltraite et tue sa population, parce qu’il provoque une faillite de l’économie, engendrant famines et restrictions, est très rarement renversé. Le Cuba communiste est toujours là et les frères Castro ont réussi à assurer leur succession. La Corée communiste de même et il est légitime de penser que s’il n’y avait pas eu l’intervention américaine de 2003, Saddam Hussein serait toujours le dirigeant de l’Irak. Maduro tient encore le Venezuela, en dépit des coups de boutoir lancés par Juan Guaido et des manifestations qui rassemblent des millions de personnes dans les rues. Qu’est-ce qui assure donc la survie de ces régimes ? Au moins trois facteurs : la sidération pour la servitude, le pouvoir de la force, l’inutilité du soulèvement.

La sidération de la servitude

La liberté est loin d’être une chose naturelle et partagée ; la servitude est davantage appréciée. La servitude retire l’obligation de la responsabilité, elle est donc plus confortable que la liberté. Elle donne une certaine routine, elle évite de se poser trop de questions, elle est moins exigeante que la liberté, déclinée sous toutes ses formes : expression, religion, politique, culturelle, etc. la servitude est réconfortante et apaisante, surtout quand elle est douce et qu’elle ne s’accompagne pas d’une répression trop forte. C’est le nouveau despotisme décrit par Alexis de Tocqueville : « Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils remplissent leurs âmes. » Les plaisirs petits et vulgaires suffisent quand la liberté vise toujours à la grandeur et à la magnanimité. Quoi qu’il en dise, quoi qu’il démente, l’homme a une inclination naturelle pour la servitude et préfère se courber aux pieds du maître. C’est la force des tyrans et cela explique qu’ils ne soient que très rarement renversés.

Le pouvoir de la force

Quand bien même certains oseraient vouloir renverser le dictateur, celui-ci dispose de la force militaire et n’hésite pas à s’en servir. Staline éliminait ses opposants politiques, tout comme Ernesto Guevarra et aujourd’hui Maduro. Tant que l’armée tient, le dictateur est certain de rester. Ce qui renvoie à l’analyse d’Étienne de La Boétie dans son célèbre ouvrage De la servitude volontaire. Certes, le dictateur peut ordonner de tirer sur des manifestants, mais encore faut-il que son ordre soit exécuté. L’officier qui commande la troupe comme le soldat qui appuie sur la gâchette sont tout autant responsables de la répression que l’homme qui en donne l’ordre. Les dictateurs tiennent parce qu’il y a en dessous d’eux une kyrielle de petits dictateurs qui organisent la terreur à leur échelle. Rien n’est pire que la bureaucratie pour asseoir un pouvoir jusqu’aux coins reculés du pays. C’est le sadisme des petits chefs et des ratés qui trouvent soudain une justification à leur vie en imposant la répression et les ordres stupides sur ceux dont ils peuvent exercer un pouvoir. Les dictatures sont remplies de ces petits fonctionnaires, gratte papiers et médiocres grisés par le mal qu’ils peuvent exercer sur les autres et qui leur donne l’illusion d’être quelqu’un.

Le communisme n’a pas tenu grâce à Staline ou à Brejnev, mais grâce aux milliers de bons Soviétiques qui ont été les mains invisibles du communisme dans les bureaux où ils ont siégé. Personne n’a donc intérêt à ce que la dictature tombe, car il faudra alors que ces personnes justifient ce qu’elles ont fait. Comme c’est une partie nombreuse de la société qui collabore avec le dictateur, la responsabilité de la dictature est partagée et diffusée dans toutes les couches de la société. Pour la renverser, ce n’est donc pas le dictateur qu’il faut abattre, mais des millions de métastases qui ont gangrené tout le corps social.

Ces dictateurs invisibles ont tout intérêt au maintien du système, car par leur collaboration ils font partie de la nomenklatura, c’est-à-dire les privilégiés de la dictature. Ils vivent mal, certes, plus mal que dans un pays libre, mais mieux que toutes les autres personnes qui ne collaborent pas, ou pas assez. Pourquoi est-ce que Nicola Maduro tient ? Parce que l’armée lui est fidèle. Cette armée est financée par l’argent du pétrole, qui est en train de s’épuiser. Mais aujourd’hui elle se finance par l’argent de la drogue. Le Venezuela est devenu un État mafieux, comme si les Farc avaient pris le pouvoir non à Bogota, mais à Caracas. C’est aujourd’hui une plaque tournante du transit de la drogue d’Amérique latine qui part vers les États-Unis, via les Caraïbes. La vente de la drogue est en train de devenir l’une des principales ressources de la dictature, ce qui lui sert à la fois pour acheter des armes et des hommes pour se maintenir en place, et ce qui justifie aussi son maintien au pouvoir pour continuer à percevoir la manne financière de la drogue.

Nous sommes là face à une hybridation de la cause politique et de la cause criminelle. Chavez et Maduro ont commencé par défendre une cause politique puis, parvenus au pouvoir, ils continuent de défendre ce discours, non plus à des fins politiques, mais à des fins criminelles, vivant des trafics illicites que leur assure leur pouvoir. Au Mexique, c’est l’inverse qui se produit. Les cartels vivent du crime et de l’illicite, puis ils financent des hommes politiques pour assurer leurs marchés et leur sécurité, dérivant ainsi vers la cause politique. L’hybridation de la criminalité et du politique se retrouve en de nombreux endroits : État islamique, États africains, Amérique latine, etc. Dans tous les cas, cela renforce le pouvoir de ces groupes qui ont fait main basse sur l’État.

L’inutilité du soulèvement

Cette hybridation rend le soulèvement vain. Quand bien même on se lèverait contre le dictateur, la répression serait au bout de la révolte. Quand bien même le dictateur tomberait, il y a encore des millions de rhizomes dictatoriaux présents dans tous les secteurs de la société, qu’il est impossible d’éradiquer. Même si les Vénézuéliens faisaient tomber Maduro, il leur faudrait des décennies pour remettre leur pays sur les rails. Plus une dictature est longue, plus elle est difficile à extirper. La seule solution est donc l’exil. Ce qui s’est passé à Cuba et se produit aujourd’hui au Venezuela. Ceux qui ne veulent pas collaborer avec la violence, mais qui veulent avoir de meilleures conditions de vie n’ont pas d’autre choix que de partir. Cela renforce le pouvoir du dictateur, qui voit ainsi partir des opposants politiques. À ce moment-là, il est certain de l’emporter, car il a gagné dans les esprits.

Cruelle situation donc qu’un pays qui a cédé à la démagogie. Le temps renforce le pouvoir du dictateur et empêche tout retour à la liberté. Raison pour laquelle il faut intervenir rapidement pour le renverser, ce que firent les Espagnols en 1936 pour supprimer le gouvernement communiste du Front populaire, et les Chiliens en 1973, pour mettre un terme au gouvernement de Salvador Allende, épigone de Fidel Castro. Cela a évité à ces deux pays de devenir de nouvelles URSS. Certes, dans les deux cas un pouvoir fort s’est mis en place, parfois brutal avec ses opposants. Mais cela a permis au Chili et à l’Espagne de se développer et d’être aujourd’hui des pays de libertés et non des enclaves castristes.

Un cas à part : l’URSS

L’unique dictature qui soit tombée, et de surcroît de façon pacifique, c’est l’Union soviétique, alors même que tous les observateurs, à l’orée des années 1980, prévoyaient sa victoire. Pourquoi cette chute ? Ce n’est pas la guerre d’Afghanistan, ni l’explosion de Tchernobyl, ni la faillite économique qui ont permis cet effondrement. Cela a été un facteur aggravant et favorisant, mais non déclenchant. Le facteur premier de ce renversement réside dans le sursaut spirituel et culturel des peuples vivant sous le joug soviétique. C’est parce que des personnes, mues par leur foi et par leur culture, se sont levées, esseulées d’abord, de plus en plus nombreux ensuite, provoquant un effet d’attraction et de mimétisme, que les rouages du système soviétique se sont bloqués. Ces personnes ont des visages et des noms : le père Jerzy Popieluszko, assassiné par la police politique en 1984, Mgr Sigitas Tamkevicius, évêque en Lituanie, les militants de Solidarnosc et bien sûr Jean-Paul II. Ils ont drainé avec eux des milliers d’anonymes qui ont osé se lever contre la dictature communiste en défendant leur langue, leur histoire, leur culture. C’est en défendant les nations et la culture de chaque peuple que ces hommes de bien ont montré que le communisme était étranger à leur pays et qu’ils ont ainsi pu contribuer à en détacher une partie de plus en plus importante de la population. Un mouvement silencieux, mais profond et fructueux, qui a empêché ensuite les autorités communistes de réprimer les manifestations de 1989 et 1990. Voilà comment tombent les dictatures : par le réveil des hommes de bien, qui défendent leur culture et leur histoire. Une arme fragile, mais qui peut être plus redoutable qu’un fusil.

Jean-Baptiste Noé
4 octobre 2019

Source : Institut Des Libertés (LDL)

 

 

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