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Togo : Recomposition de la Cour Constitutionnelle, Qui veut tromper qui ?

Fraternité
L'éternel président de la Cour constitutionnelle du Togo, le sieur Aboudou Assouma
L’éternel président de la Cour constitutionnelle du Togo, le sieur Aboudou Assouma | Photo : DR

Au terme d’une rencontre tenue le vendredi 13 décembre dernier avec les Présidents des Institutions de la République, le Chef de l’Etat a ordonné la recomposition de la Cour Constitutionnelle, institution chargée notamment de la proclamation des résultats définitifs des élections au Togo. Une décision pour, dit-on, pour se conformer aux recommandations de la feuille de route de la CEDEAO. Cette décision loin d’être de gré de la part du chef de l’Etat aurait été plutôt activée, selon certaines sources, par les dernières évolutions diplomatiques. Et sans compter avec la loi fondamentale tissue le 08 Mai.

« A l’issue des échanges, le Président de la République a instruit le Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour le renouvellement de la Cour Constitutionnelle, conformément aux réformes constitutionnelles et institutionnelles du 15 mai 2019 en attendant la mise en place du Sénat et la désignation, par cette institution, des membres restants », renseigne un communiqué du gouvernement en date du vendredi 13 décembre dernier. Ceci, au terme d’une rencontre entre tenue Faure Gnassingbé et les présidents des institutions pour faire le point de l’avancement du processus électoral. Ainsi, à deux mois de la présidentielle prévue pour le 22 février 2020, le Chef de l’Etat a demandé au gouvernement de prendre les dispositions pour la recomposition de la Cour constitutionnelle.

De sources indiscrètes, ce pas du Président togolais aurait été précipité par la visite effectuée, la semaine dernière, par la Sous-Secrétaire américaine adjointe pour les affaires ouest-africaines ou sécuritaires. Celle qui, au terme de sa mission, a invité les autorités togolaises « à tout mettre en œuvre pour faire de la prochaine élection présidentielle, une élection libre, juste, inclusive et transparente afin de faire du Togo un pays plus stable et plus démocratique ». Un message diplomatique aux allures d’injonction avec toutes les consonances nécessaires pour ce qui doit participer à l’assainissement des règles du rendez-vous ultime annoncé pour le 22 février 2020.

En effet, il se souvient que depyuis 2017, aucun des rapports du département d’Etat ou autres instances américaines n’a point été positif sur la situation des droits de l’homme au Togo.

Recomposition, dites-vous ?

La recomposition de la Cour constitutionnelle est l’une des recommandations de la CEDEAO après la crise sociopolitique de 2017. Elle a été pris en compte dans la nouvelle réforme constitutionnelle votée le 08 mai 2019 par l’Assemblée Nationale et n’avait pas eu l’approbation d’une bonne partie de la classe politique. L’opposition démocratique reprochait aux textes de favoriser une mainmise de Faure Gnassingbé sur la Cour Constitutionnelle. En effet, dans son article 100, la nouvelle constitution dispose : « La Cour Constitutionnelle est composée de neuf (09) membres de probité reconnue désignés pour un mandat de six (06) ans renouvelable une seule fois. Deux (02) sont désignés par le Président de la République dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative. Deux (02) sont élus par l’Assemblée nationale, en dehors des députés, à la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative. Deux (02) sont élus par le Senat, en dehors des sénateurs, à la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative. Un (01) magistrat ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté, élu par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Un (01) avocat élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté. Un (01) enseignant-chercheur en droit de rang A des universités publiques du Togo, élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté ». Or jusque-là le Sénat au Togo n’est toujours pas mis en place et la révision constitutionnelle de mai dernier a abrogé la disposition autorisant l’Assemblée nationale à le faire.

A cette question du Sénat, le pouvoir seul ne peut pas prendre des décisions. Les tenants du régime de Lomé sont obligés de discuter avec les autres acteurs de la scène politique notamment les partis extraparlementaires tels que l’ANC, la C14, ou encore le CAR. Puisque, le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance indique qu’« aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques » ; et plus loin que « les organes chargés des élections doivent être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique ».

Pourtant, il y a quelques jours, quand les leaders de ces partis ou regroupements de formations politiques ont voulu évoquer cette question, le ministre de l’Administration territoriale n’avait rien voulu savoir. Mieux, un autre membre du gouvernement en la personne de Gilbert Bawara a annoncé explicitement que le gouvernement n’engagera aucune réforme avant l’élection présidentielle de 2020.

En outre, c’est un secret de polichinelle, le pouvoir de Lomé a étendu ses influences dans tous les secteurs du pays, notamment la justice et l’Enseignement supérieur où la majeure partie des universitaires sont des conseillers officieux du Chef l’Etat. Aussi, faut-il rappeler que l’Assemblée Nationale, comme nous l’avons souligné dans notre parution 239 se comporte plus en chambre d’enregistrement que de contrôler les actions du gouvernement.

Ce n’est pas tout. La constitution dans son article 101 dispose ce qui suit : « Le Président de la Cour Constitutionnelle est nommé par le Président de la République parmi les membres de la Cour pour une durée de six (06) ans. Il a voix prépondérante en cas de partage ». Dans ce cas, et dans le contexte général africain, l’on se demande comment Faure Gnassingbé peut désigner l’arbitre d’un jeu où lui-même est un probable participant. Puisque, comme susmentionnée, l’une des prérogatives de cette cour est de « juger de la régularité des élections présidentielles » et de proclamer les résultats définitifs.

Qui plus est sur les neuf membres, le président de la République choisit deux (2) pendant que le parlement qui est sous son contrôle choisis également deux (2) autres. Les cinq sièges restant sont repartis entre les magistrats qui sont au Togo des fonctionnaires aux ordres, les avocats sur qui le peuple ne sait plus trop compter comme hier dans les années 90, les universitaires qui suscitent simplement un bluff au sein de l’opinion, puis le reste des deux sièges qui seront certainement partagés par le Senat bleu turquoise (la couleur du parti au pouvoir) entre le parti au pouvoir annoncé comme majoritaire à la chambre haute et l’opposition.

A la lumière de ce qui précède, la recomposition de la Cour Constitutionnelle est un leurre savamment orchestré, à quelques semaines de l’élection présidentielle, pour faire croire que le pouvoir adopte les mesures nécessaires pour assurer la transparence du scrutin. Certes, le premier magistrat du pays dit vouloir respecter les dispositions constitutionnelles mais, ce n’est pas là, la décision magique qui donnerait de la crédibilité à cette élection. De ce fait, cette recomposition ne trompe personne.

Source : Fraternité N°341 du 18 décembre 2019

 

 

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